Ca y est. J'en ai ras le bol. Vraiment RAS LE BOL. Du Liban et des libanais, des Aoun, des Jumblatt, des Lahoud, des Gemayel, des chretiens, des musulmans, des druzes, des juifs, des forces libanaises, du courant national, du hezbollah, des socialistes, des communistes, des phalangistes, des syriens, des palestiniens, des iraniens, des bantous, des hottentots, et de toute cette chamaille de merde qui ne verra sa fin que dans la cendre et le feu.
Kassir est mort. Ah le choc et l'epouvante. Ah l'amertume de la perte. Ah la tragedie.
Les stylos couleront du sang et des sanglots, on descendra dans les rues, portant des bougies, sa photo, et beaucoup de drapeaux. Aussi viendront les articles et les discours, les invitations a l'unite et la foi dans un Liban qui persistera malgre les plaies et la mort, le Phenix, le peuple que l'on ne brisera pas, la nation qu'on ne pourra jamais assassiner.
Mais ou est-elle cette nation qu'on ne pourra jamais assassiner? OU EST-ELLE? Je vous en conjure montrez- la moi du doigt pour que je la touche et que je la prenne entre mes bras...
Ouvrez les yeux, mes amis. Ouvrez les yeux et regardez-la bien en face, notre triste verite.
Notre nation n'est plus. Le Liban est mort, et il est mort depuis longtemps. Et nous, les libanais, l'avons tue. Au fait, je ne sais meme plus s'il a jamais existe, ce morceau du paradis, ce mensonge d'une nuit d'ete, ce feerique conte que tant ont celebre, d'annee en annee, en chanson, en texte et en poesie.
Moi, triste moi, je ne vois qu'une terre dechiree, peuplee de gens egoistes et assoiffes d'or et de pouvoir, des gens differents comme noir et blanc, qui n'ont en commun que leur amour pour eux-memes, alors que rien au monde n'aurait pu les unir que l'amour de la patrie.
Oui Kassir est mort. Et sa mort, comme celle de tant d'autres avant lui, sera en vain.
Les syriens sont partis, oui, mais pas vraiment, on est tous unis mais pas vraiment, la guerre est finie mais pas vraiment, la page est tournee mais pas vraiment, on saura la verite mais pas vraiment. Et moi, je suis toujours libanais, mais malheureusement pas vraiment.
Il ya deux ou trois mois, ma foi en un Liban resurrecte et libere etait grande. Aujourd'hui, ma foi, comme pour moi la nation, n'est plus qu'un penible souvenir qui finira, lui aussi, par se dissiper comme un merveilleux mirage vif et ephemere.